Création d’un parc régional aux Îles-de-la-Madeleine

6 décembre 2022

Création d’un parc régional aux Îles-de-la-Madeleine

Par Serge Bourgeois, directeur des projets de développement du territoire (Communauté maritime des Îles-de-la-Madeleine) et Oréli Simard, aménagiste régionale (MRC du Domaine-du-Roy)

Les terres publiques des Îles-de-la-Madeleine représentent 30 % du territoire de l’archipel.  Il s’agit d’un habitat naturel qui constitue un écosystème d’une grande richesse et d’une grande sensibilité, notamment de par sa diversité biologique et sa géomorphologie particulière. Les terres publiques couvrent la presque totalité des plages, des dunes et des plans d’eau intérieurs de l’archipel. Un nombre grandissant d’utilisateurs en bénéficie chaque année, ce qui entraîne inévitablement des conflits d’usages et la dégradation des milieux naturels du secteur. C’est dans ce contexte que la Communauté maritime des Îles-de-la-Madeleine a entrepris une démarche à l’automne 2019 afin de se doter d’un outil de gestion adapté à ses réalités territoriales. Le but de cette démarche était d’assurer la pérennité des terres publiques et de ses nombreuses ressources tout en protégeant les activités récréatives et utilitaires qui s’y opèrent. Considérant le contexte géographique de l’archipel, la gestion des terres publiques par les autorités gouvernementales représentait un enjeu important pour la Communauté maritime. Il paraissait donc indispensable que la collectivité locale soit impliquée dans la protection et la gestion des terres publiques avec la création d’un parc régional.

Une démarche initiée par la collectivité locale

Le 8 octobre 2019, les élus de la Communauté maritime des Îles-de-la-Madeleine adoptaient une résolution qui constituait une déclaration d’intention officielle adressée au gouvernement du Québec, comme le prévoient les dispositions de la Loi sur les compétences municipales. Avec cette résolution, la Communauté maritime exprimait son intention de mettre en place un parc régional afin d’assurer la gestion de ses terres publiques. Les principaux objectifs de ce modèle de gestion sont :

  • Favoriser la mise en valeur du territoire public, notamment de ses potentiels récréatif, culturel et éducatif;
  • Assurer la pérennité d’accès au territoire public et aux ressources qui s’y trouvent;
  • Harmoniser les usages et prévenir les conflits potentiels;
  • Assurer une gestion concertée, cohérente et adaptée aux réalités locales;
  • Assurer la préservation des milieux naturels et des ressources.

La résolution du 8 octobre 2019 enclenchera le début des discussions officielles avec le ministère des Affaires municipales et les autres ministères concernés. Par la suite, un important travail de consultation se déploiera auprès de la population. Pour la Communauté maritime, il est primordial d’intégrer les citoyens dans la mise en place du parc régional.

Des consultations citoyennes d’envergure

À l’été 2021, un étudiant au baccalauréat en géographie de l’Université Laval a réalisé un sondage auprès des usagers des terres publiques afin de recueillir de l’information additionnelle sur leur utilisation. Ce sont 1 127 personnes qui ont participé au sondage, comme quoi la question de l’utilisation des terres publiques suscite beaucoup d’intérêt. De ce nombre, 56 % étaient des résidents tandis que 44 % étaient des visiteurs. Pour la Communauté maritime, la création d’un parc régional en terres publiques a toujours été motivée par le besoin d’en assurer une meilleure gestion et un encadrement qui permettra le maintien des activités, mais aussi la protection des milieux naturels. Dans ce contexte, il est rassurant de constater qu’une très grande majorité des répondants partagent cette préoccupation et reconnaissent qu’un meilleur encadrement est nécessaire.

Parmi les questions du sondage, on demandait aux participants de s’exprimer quant à leurs relations avec les autres utilisateurs. Près de 20 % des répondants ont affirmé avec vécu des conflits d’usages en fréquentant les terres publiques. Par conflits d’usages, on peut penser à la protection d’espèces menacées, telles que le pluvier siffleur, et la circulation de quads. La chasse à la sauvagine et la pratique de sport de voile sont, elles aussi, des activités qui cohabitent difficilement ensemble. Par ailleurs, le sondage demandait aux répondants s’ils jugeaient nécessaire à ce que les activités en terres publiques soient mieux encadrées. À cette question, 81 % d’entre eux ont répondu par l’affirmative.

En parallèle du sondage effectué à l’été 2021, la Communauté maritime a consulté les principaux usagers des terres publiques tout au long de l’élaboration du PAG. Les objectifs de ces consultations étaient de les sensibiliser aux problématiques de gestion du territoire public, de les informer quant aux avantages du projet et de recueillir de l’information précise sur l’utilisation des terres publiques, les problèmes liés aux conflits d’usages, à l’accès du territoire et à l’environnement ainsi que sur les attentes de la population face à la gestion du territoire. En grande majorité, les personnes consultées se sont montrées favorables au projet de parc régional.

L’élaboration du Plan d’aménagement de gestion : au cœur de la démarche

Le 8 février 2022, le conseil de la Communauté maritime adoptait le Plan d’aménagement et de gestion (PAG) attaché au projet de création d’un parc régional sur le territoire public. C’est par ce document que la Communauté maritime a présenté au gouvernement du Québec les objectifs et les principes directeurs qu’elle entend mettre de l’avant avec la création d’un parc régional. Le PAG libelle les cinq principes directeurs suivants :

  • Le développement durable et l’intégrité de l’environnement, notamment par le maintien de la valeur socioéconomique du territoire public ou la création d’une valeur ajoutée, et ce, sur une base permanente au profit des générations actuelles et futures;
  • Le maintien de la polyvalence d’utilisation du territoire du parc et de ses ressources, incluant le maintien des usages traditionnels et non traditionnels;
  • La prise en compte d’intérêt de la population et des entreprises locales, incluant la non-concurrence aux entreprises existantes;
  • L’innovation dans la gestion du territoire du parc et des ressources qui s’y trouvent, dans l’offre d’activités, dans la mise en œuvre de partenariat et dans la mobilisation de financement;
  • L’équité et la transparence dans les règles de gestion.

En plus des principes généraux, le PAG contient une description précise du territoire concerné et présente le parc régional tel qu’il a été imaginé, soit le territoire visé, le zonage, la gouvernance, les aménagements et les infrastructures. Ces éléments témoignent de la pertinence du projet et justifient la manière dont la Communauté maritime entend le déployer et l’opérer. À la suite de son adoption en février 2022, le PAG a reçu un avis gouvernemental signé par cinq ministères, lequel contenait une série de commentaires proposant des modifications à apporter au projet. C’est dans ce contexte que le personnel technique de la Communauté maritime, en partenariat avec le comité sur les terres publiques et l’environnement, travaillent à l’élaboration d’une seconde proposition qui sera adoptée ultérieurement par le conseil et soumise aux autorités ministérielles dans les prochains mois.

Parallèlement à l’élaboration de la 2e version de PAG, la Communauté maritime a entamé des discussions avec les représentants des différents ministères impliqués dans la démarche. En effet, comme il n’existe aucun programme spécifique dédié à la mise en place d’un parc régional créé en vertu de la Loi sur les compétences municipales, les .lus de l’archipel n’ont d’autre choix que  de faire appel au gouvernement. POUQUOI? Parce que de façon générale cet outil de développement que constitue le concept de parc régional permet au MRC d’aller chercher les revenus dont ils ont besoin pour opérer en toute quiétude. Que ce soit par des baux de villégiature et diverses tarifications pour des activités récréatives comme le camping, le canoé-kayak, la randonnée, etc les MRC ont la possibilité d’aller chercher les revenus nécessaires à l’opération et au développement. Dans certains cas on parle de revenu dépassant même le million de dollars alors qu’ici les quelques baux de villégiature existant ne représentent à peine que 20 000 $.

Quelles sont les particularités du futur parc régional des Îles?

Elles sont nombreuses; D’abord le territoire public de l’archipel c’est une superficie restreinte, fragile et par surcroit comprenant des statuts de protection particuliers provenant des gouvernements supérieurs. Ainsi l’archipel comprend :

  • 7 habitats floristiques
  • 41 habitants fauniques
  • 1 refuge faunique
  • 1 réserve écologique
  • 1 réserve nationale de la faune

Sur l’archipel, en excluant le milieu marin, le territoire est composé à 37 % de terres publiques. La proportion du domaine public affectée à la protection est de 60 km2, soit plus de 61 % de sa superficie. Quant à lui, le territoire public voué à l’utilisation sans restriction légale couvre seulement 38 km2, soit un peu moins de 39 % des terres publiques. En comparaison, en Gaspésie, le domaine public couvre 81 % du territoire, dont près de 85 % voués à l’utilisation et environ 15 % voués à la protection. Conséquemment en termes de développement et de revenus, il est donc facile de comprendre qu’ici les possibilités sont limitées.

Les étapes à venir

La Communauté maritime demande donc au gouvernement de contribuer à la mise en place du parc régional sur un horizon de trois ans. De façon générale, les représentants des différents ministères reconnaissent que la création du parc régional facilitera l’atteinte de leurs propres objectifs malgré le fait qu’ils ne sont pas présents sur le territoire. Des discussions à cet effet ont eues lieu et l’administration de la Communauté maritime s’affaire actuellement à monter un budget réaliste lequel qui sera accompagné d’un document de justification qui devra faire la démonstration que l’aide gouvernementale est nécessaire voir indispensable.

L’adoption du nouveau Plan de gestion (PAG) devrait être adopté en début 2023 et des représentations politiques seront sans aucun doute préalables à l’éventuelle signature d’une entente spécifique permettant la création et la mise en œuvre de notre parc régional.

Bonne chance à Serge et à toute l’équipe de la Communauté maritime dans leur démarche!

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